Avant de découvrir cette fête ancestrale ainsi que sa symbolique, faisons un rapide retour en arrière d’un point de vue historique sur qui étaient les celtes puisque cette célébration est issue de leur culture.

Les celtes étaient un ensemble de populations d’origine indo-européenne disséminés partout en Europe dont les gaulois faisaient aussi partie. L’Irlande est souvent prise comme une référence pour évoquer ces peuples car les sites archéologiques de ce pays y ont été préservés en plus grand nombre et en meilleur état que partout ailleurs sur notre continent. Ils nous permettent d’en apprendre davantage sur cette culture.
En effet nous avons très peu d’écrits de l’époque puisque leurs traditions se transmettaient à l’oral. Seuls les druides utilisés entre eux l’écriture codée ogamique pour transmettre certains de leurs savoirs secrets.

Il est intéressant de se rappeler qu’au XXIème siècle, un nombre important de fêtes de notre calendrier ont des origines païennes qui remontent au moins à deux mille ans, voir bien plus encore.
Les célébrations comme la Chandeleur, la Saint-Valentin, le Carnaval, Saint-Nicolas ou Noël en sont quelques exemples.

Les païens sont polythéistes et croient en la force du vivant. Pour eux tout est conscience ; des pierres aux arbres en passant par les rivières, les montagnes, les mammifères non humain ou les insectes.
Ils savent que la planète Terre est un être vivant à part entière et qu’il est de notre devoir de la préserver. Mais de cela, païen ou pas, qui pourrait encore en douter.
Dans le paganisme l’être humain n’est pas au-dessus des règles du vivant. Il doit apprendre à vivre en harmonie parfaite avec ce monde dans lequel il est en interaction permanente et surtout dont il dépend pour sa survie.
Nous retrouvons ces croyances chez tous les peuples racines d’aujourd’hui, porteurs d’un message d’espoir que nous devrions écouter et respecter bien davantage.
Cependant un éveil des consciences voit actuellement le jour dans nos sociétés occidentales modernes permettant de se rapprocher de la nature et d’être  plus en osmose avec elle afin de reprendre notre juste place en son sein.

Dans cette volonté de connexion consciente avec le vivant, une fête nous intéresse tout particulièrement. Elle sera célébrée le week-end du 31 octobre au 1er novembre et se nomme Samain.

Il faut savoir qu’il existait quatre grandes fêtes calendaires principales au début de notre ère :
. Samain (aux alentours du 1er novembre de notre calendrier actuel).
. Imbolc (le 1er février de notre calendrier).
. Beltaine (le 1er mai).
. Lugnasad (le 1er août).

Notre connaissance de ces célébrations est due pour partie au fait qu’elles étaient référencées dans le célèbre calendrier gaulois de Coligny, un artefact retrouvé en France lors de fouilles archéologiques dans la ville du même nom.

En cette fin du mois d’octobre, de nombreux français fêteront Halloween avec leurs enfants, une fête d’origine irlandaise devenue purement commerciale.  Les catholiques quant à eux célébreront La Toussaint.
Pourtant Samain a une existence bien antérieure à cette dernière qui est une fête chrétienne maintes fois déplacée et définitivement inscrite sur le calendrier liturgique en 835 de notre ère par le Pape Grégoire IV.(1)
Rappelons que les chrétiens ont voulu éradiquer les celtes pour imposer leur propre culte monothéiste. Pour ce faire ils ont massacré les druides qui étaient les représentants du culte religieux celtique.

Mais alors que sait-on vraiment de Samain ?

Certains l’orthographient Samain , d’autres Samhain lorsque c’est l’origine irlandaise du nom qui prime. D’ailleurs « Samhain »  signifie « novembre » en irlandais moderne.
Les gaulois l’appelaient Samonios ayant pour signification  « Le Semeur ».

Les celtes faisaient commencer l’année par la saison sombre puisque chez eux le temps était compté en nuits et non en jours comme dans notre société actuelle. Dans la symbolique c’est de l’ombre que jaillit la lumière.
Samain marquait donc la séparation entre la saison chaude claire et la saison froide sombre.

La porte de l’Autre-Monde s’ouvrait permettant aux vivants et aux morts de communiquer entre eux.
Temps hors du temps, où les disparus revenaient visiter leurs lieux d’existence pendant cette nuit très spéciale qui n’était pas la fête d’une divinité particulière mais la fête du monde et des âmes peuplant le monde qu’il soit visible ou non.(2)

Les festivités pouvaient durer sept jours :
. Trois jours avant
. Le jour de la fête
. Trois jours après

René et Claudine Bouchet décrivent dans leur ouvrage consacré aux rituels druidiques les étapes suivantes : « La première nuit, les druides ouvraient les portes du Sid ou « monde de l’au-delà », en creusant un trou dans la terre, près du dolmen, près du menhir ou de l’endroit choisi sur lequel était construite une croix celtique en pierre de pays.
La deuxième nuit, les chevaliers et guerriers veillaient.
La troisième nuit, les druides refermaient les portes du Sid en rebouchant le trou rituel, après y avoir symboliquement déposé un sachet de cendres magnétisées du précédent feu du solstice d’été et trois glands de chêne provenant du précédent rituel du couronnement du chêne à l’équinoxe d’automne.
Lors de cette cérémonie on y honorait également le « serpent à tête de bélier se mordant la queue » Dans le symbolisme celte, d’une part le serpent exprime la connaissance et d’autre part, il naît de l’œuf primordial. Il est issu de la Terre, et sa figuration circulaire – le serpent se mordant la queue – exprime la connaissance qui se renferme sur elle-même, du commencement à la fin.
Le serpent à tête de bélier représente la lumière créatrice de vie ». »(3)

C’est la nuit qu’avait lieu la cérémonie religieuse. Jean-Claude Cappelli nous donne les explications suivantes dans son ouvrage Entre l’If et le Bouleau – La Voie du Druide : « et cette nuit-là, tous les feux d’Irlande devaient être étouffés sous peine d’amende. Ceux qui manquaient le rendez-vous de la Samain étaient frappés de mort ou de folie. C’était une fête d’obligation pour les trois fonctions.»(4)
Les trois fonctions présentes étaient la classe sacerdotale, la classe guerrière et la société civile représentant ainsi l’ensemble de la population.
Cette fête marquée la fin de la période militaire et des guerres. Le roi était choisi parmi les membres de la classe guerrière et élu à cette date sous le contrôle du druide.

Dans l’Antiquité était aussi organisé un banquet en l’honneur des défunts. Il y avait obligation d’y assister à moins de vouloir risquer sa propre mort.(5)
Dans Histoire secrète des Druides, Bernard Rio évoque l’auteur grecque Posidonios (Athénée, Les Déipnosophistes, IV, 52) qui décrit la scène suivante : « Un enclos de douze stades dans lequel on emplissait des cuves de boissons d’un grand prix et où l’on préparait une telle quantité de victuailles que pendant plusieurs jours il était permis à ceux qui voulaient entrer de profiter de tout ce qui était préparé ».
Quant à lui Phylarque, toujours dans Athénée, Les Déipnosophistes, IV, 150 dépeint un enclos «  entouré de palissades de roseaux et d’osier, chaque emplacement pouvant contenir quatre cents hommes et même plus, l’aménagement des lieux étant prévu pour les foules qui devaient déferler des villes et des villages environnants. […] Un grand nombre de victimes – bœufs, porcs, moutons, et beaucoup d’autres bestiaux  – furent abattues chaque jour. Des foudres de vin furent apprêtés, ainsi que de grandes quantités de farine d’orge. ».

Il était primordial de laisser la porte de sa maison entrouverte, une place vide à table et d’éclairer les chemins avec des lanternes pour guider les âmes errantes des défunts.

Comme nous pouvons le constater, Samain était une fête joyeuse pendant laquelle la population se regroupait pour partager des plaisirs simples. Les morts étaient invités à festoyer parmi les vivants.
Contrairement à ce que nous pouvons imaginer habituellement il s’agissait d’une véritable ode à la vie.

Jean-Claude Capelli néodruide de Bretagne explique dans son livre Entre Soleil et Lune – La Spirale du Druide – Le Cycle des fêtes druidiques que Samain permet de faire l’apprentissage de la mort ; c’est une fête du passage qui nous fait toucher du doigt l’Eternité. Elle est synonyme de séparation et les festins de la Samain antique séparé les hommes des femmes : « La séparation, et par extension la mort, est imposée aux Hommes. A la Samain nous vivons une séparation imposée, nous sommes séparés en nous-mêmes sans ne rien pouvoir faire… Un combat fait rage en nous, opposant notre aspect lumineux et notre aspect sombre, nos soleil et lune intérieurs, comme s’opère un combat, relaté par les textes de la mythologie irlandaise, entre les Tuatha Dé Danann, forces blanches, et les Fomoire, forces noires. Comme les Fomoire l’emportent temporairement sur les Tuatha Dé Danann, notre aspect sombre l’emportera temporairement sur notre aspect lumineux… ».(6)

Le sens profond de cette cérémonie est la purification – la Terre est apparemment « morte » à l’entrée de l’hiver et, comme l’été, cette saison débute par une période de recueillement.(7)

Il est intéressant de savoir comment était facilité le contact avec le monde des morts à cette époque : « Cet Autre-Monde se présente sous la forme d’une île, située au-delà des mers, dans la direction du soleil couchant, vers l’Ouest. C’est pourquoi toute présence d’eau, source, fontaine, ruisseau, rivière, fleuve, mare, étang, lac, est un point de contact privilégié avec cet Autre-Monde. […] En fait, dans la tradition celtique, le cygne est la forme favorite que revêtent les entités de l’Autre-Monde, les dieux, les déesses et les fées, pour venir se présenter aux humains. » (8)
Tous les oiseaux avaient un lien à l’Autre-Monde.
Dolmens, menhirs et autres cromlechs étaient aussi considérés comme des portes d’accès entre les deux mondes.

Nous constatons que la culture celte était riche d’un imaginaire et d’un symbolisme puissants. La connexion entre le monde des morts et celui des vivants n’était pas nécessairement lié à la tristesse et à la peur.
Monstres, zombies et autres personnages démoniaques qui fleurissent dans les rues à notre époque ne sont donc pas indispensables pour fêter ce passage d’une saison à l’autre.

Dans ces temps sombres que nous traversons actuellement, la Samain fait étrangement écho à ce nous vivons. Les énergies blanches et les énergies noires mènent un combat acharné.
Comme le soleil réapparait après la nuit, nous savons dores et déjà que la lumière finira par triompher.

Dans une société où il est de bon ton de faire régner la peur en maître, plus que jamais interdépendante de notre quotidien (virus, attentat,..), il serait salvateur, plutôt que de nourrir cet égrégore en rajoutant encore plus de noirceur autour de cette fête, de prendre le contre-pied cette année pour apporter douceur, lumière, bienveillance et énergie positive sur notre monde.
Ainsi nous participerons en conscience au changement de paradigme qui s’opère actuellement dans le monde.

A chacun également d’honorer la nature et ses ancêtres comme bon lui semble et d’inventer ses propres rituels.
Ce que nous savons aujourd’hui c’est que d’après ces croyances ancestrales, les lieux aquatiques ainsi que les pierres érigées autrefois par les humains pour leur culte sont des hauts lieux énergétiques favorisant l’accès entre les deux mondes pendant cette période.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une très belle fête de Samain en conscience.

Livres consultés pour la création de cet article.
(1) Histoire secrète des Druides (p.91) de Bernard Rio – Editions Ouest-France.
(2) Dictionnaire de Mythologie et de Symbolique Celte de Robert-Jacques Thibaud – Editions Dervy
(3) Rituels secrets des Druides d’aujourd’hui (p. 124) de René et Claudine Bouchet – Editions Trajectoire
(4) Entre l’If et le Bouleau. La Voie du Druide (p. 145) de Jean-Claude Cappelli – Celui du Pays de l’Ours.
(5) Histoire secrète des Druides (p.93) de Bernard Rio – Editions Ouest-France.
(6) Entre Soleil et Lune. La Spirale du Druide. Le Cycle des fêtes druidiques (p.78) de Jean-Claude Cappelli Celui du Pays de l’Ours.
(7) Rituels secrets des Druides d’aujourd’hui (p. 124) de René et Claudine Bouchet – Editions Trajectoire
(8) Brocéliande – Au-delà des apparences Tome I (p. 200) de Jean-Claude Cappelli – Celui du Pays de l’Ours.

Crédits Photos.
. Flamme – Image par ManaliBalsara de Pixabay
. Triskel – Image par Hans Braxmeier de Pixabay
. Citrouille – Image par Morket de Pixabay
. Plan d’eau – Image par Gerhard Lipold de Pixabay
. Lever de soleil – Image par Angela C de Pixabay